ANDRÉ
DUCHESNE
LA PRESSE
Des Cercles des fermières, il ne
reste que les cercles. Car des quelque 35 000 femmes qui font encore partie de
ces organisations aujourd’hui, seulement 2 % vivent à la ferme.
Voilà le constat que nous révèle
la cinéaste Annie St-Pierre dès l’ouverture de son documentaire Fermières
qui sera bientôt sur nos écrans après une préparation de trois ans.
À l’image des fameuses légions
d’anciens combattants, l’organisation est vieillissante, mais elle possède une
riche histoire (100 ans en 2015) et un héritage qui, foi d’Annie St-Pierre, ne
doit pas passer sous le radar.
Héritage ? Oui. Un legs, une
présence, un ancrage très caractéristique des régions, d’autant plus fort (et
inestimable) que celles-ci sont éloignées.
Cette réalité est difficile à
saisir pour les urbains que nous sommes, engoncés dans notre quotidien de
téléréalités et de tablettes électroniques. Elle-même fille de région, Annie
St-Pierre a voulu démythifier la chose.
« J’habite le Mile End, mais
je suis une fille du Bas-Saint-Laurent et ça me fait du bien de retrouver ces
gens-là, d’être avec des femmes comme elles, dit la documentariste en entrevue.
En leur présence, il se produit un échange très particulier. Elles m’aident à
comprendre où nous en sommes comme société. »
Pour véhiculer sa pensée, Annie
St-Pierre s’intéresse plus particulièrement au parcours de quatre membres des
Cercles. Quatre femmes résidant aux quatre coins de la province, aux
personnalités et aux fonctions très différentes. Toute l’essence du film est
là. Nous avons demandé à Mme St-Pierre
de nous les présenter.
« Il y a d’abord Mme Labrie qui incarne le leadership,
commence la réalisatrice. C’est la présidente sortante de la fédération des
Cercles des fermières. À travers son histoire, on comprend la structure du
réseau et ses fonctions. Mme Garon,
âgée de 86 ans, représente la transmission. À travers elle, on ressent
l’importance de vouloir léguer quelque chose aux suivantes. À travers Mme Poulin, on découvre l’historique
du mouvement. Et comme elle est en train de terminer un doctorat, elle vient
nous rappeler que ces femmes peuvent aussi être très instruites. Enfin, il y a
Mme Lacroix. Elle veut de la
reconnaissance, de l’amour et s’illustre dans les concours des cercles. Elle
est pétillante et cherche le glamour. »
BRISER LE MYTHE
Les images du film vous feront
sourire. Bien sûr, on y voit des fermières couper des légumes, participer à de
gentils concours régionaux, chanter des ritournelles surannées, animer des
salles municipales un tantinet tristes, farfouiller dans leurs pelotes de fil
ou avoir une très sérieuse discussion autour d’une démonstration de lavettes
(un plan remarquable). Mais on les voit aussi travailler à l’ordinateur,
se battre pour conserver leurs archives et continuer à défendre leurs valeurs
sous l’œil des caméras.
« Je ne voulais pas d’un film
stéréotypé. Je voulais aller plus loin que le mythe des fermières comme on peut
le concevoir, dit Annie St-Pierre qui se dit attirée par les mondes parallèles.
J’ai voulu présenter les Cercles du point de vue des humains. S’il y a une
caractéristique entre toutes ces femmes, c’est leur besoin de communauté. Elles
ne sont pas individualistes ! »
Un film qui aide à mieux cerner la
réalité des régions, suggère-t-on. « Oui, répond la cinéaste. Ça nous
parle d’une autre réalité. Ça nous apaise un peu. On a l’impression de se
retrouver dans une autre époque. Moi, comme fille des régions, je suis contente
de voir que certaines choses ne changent pas. »
Fermières prend l’affiche le 18 avril.
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